Victoria de Ravel.

Le message était clair. Juste à côté de la pancarte – pour être sûr que le message passe bien -, deux corps étaient pendus. De quoi faire fuir les moins courageux…ou les moins fous ! Je les connaissais bien ces deux là. Je les croisais chaque 19 du mois. Leur corps était décomposé, leur odeur loin d’être agréable. Mais j’avais un profond respect pour ces deux hommes, qui étaient morts en accomplissant leur tâche : voler cette famille bien trop riche à mon goût, et au sommet de l’égoïsme.
A cette époque, je portais une longue robe bleue, des collants merveilleusement bien brodés, aussi blanc de la neige qui recouvre les toits de la ville en hiver. Je porte aussi de belles chaussures….Belles ? Et bien oui, car j’ai eu la chance (ou la malchance), de naître dans une famille de petite bourgeoisie, bien plus au nord du pays. Mes cheveux sont très blancs, malgré mon jeune âge, et mes yeux aussi bleus que l’océan. Vous devez vous demander ce que je fabrique là ? Et bien, je prends un raccourci. J’étais difficilement repérable dans les buissons. Mais je devais me tenir sur mes gardes, car les panneaux et l’immense clôture de presque cinq mètres de haut suffisaient à décourager l’immense majorité des éventuels visiteurs. On avait aussi mis en place- au cas où- des rondes d’hommes armés d’épées et de cordes, accompagnés par quelques chiens aussi effrayants les uns que les autres. Ils arpentaient lentement le périmètre, deux par deux.
La lumière du jour laissait lentement place à la nuit. Les détails du paysage disparaissaient un à un dans la pénombre. J’étais en retard, très en retard ! Un raccourci n’est pas censé nous permettre d’arriver plus tôt à notre destination ? Ah oui ! Je crois avoir oublié de vous donner la réelle raison de ma présence dans cette propriété privée. Je dois tout simplement rentrer chez moi. J’ai raté le convoi de chevaux qui me permettait, chaque soir, de rentrer chez moi en moins d’une heure. Afin de gagner du temps, j’ai décidé de traverser la propriété des Dernk. La contourner m’aurait pris plus de trois heures.
C’est maintenant que mon histoire commence. Mon nom est Victoria de Ravel.

Présentation de Victoria de Ravel :

[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Sa soeur Alice :
[Vous devez être inscrit et connecté pour voir ce lien]
Victoria de Ravel est née dans une ville de Kerstrom, un vaste pays qui vit en paix avec ses voisins depuis plusieurs siècles. Victoria passa donc son enfance à Servent, à l’extrême nord du pays.
Ces deux parents, de riches propriétaires, ont eu deux filles : Victoria et Alice.
Victoria possède de longs cheveux blancs, et de grands yeux bleus. Sa sœur lui ressemble, mais elle est bien plus jeune. Elle a six ans de moins que Victoria, environ.
Au matin de leur dix-septième année, les jeunes bourgeoises doivent quitter le domaine familial pour apprendre un métier comme celui d’avocate ou de médecin. C’est ce que fit Victoria, mais à contrecœur. Elle ressentait un amour profond pour sa jeune sœur, et l’idée de la quitter était loin de lui plaire. Sous la pression de ses parents, elle dû se rendre dans le sud du pays, à Kartadge. Sa sœur fut envoyée là-bas pour ses études quelques temps après. Elles ne furent donc pas séparées bien longtemps.
Malgré le désaccord de ses parents, Victoria devint institutrice et enseigna l’Histoire aux petites filles des orphelinats de la région. A force de lire l’histoire de Kerstrom aux plus jeunes, Victoria eut l’impression d’en avoir visité tous les recoins malgré le fait qu’elle n’ait jamais connu un autre lieu que sa ville natale, et la ville de Kartadge.
Elles possèdent quelques qualités comme la détermination, le courage et la fierté. Mais ses défauts lui posent de sérieux problèmes : elle est imprudente, têtue, peu forte physiquement.
Son histoire est passionnante, elle vous entraînera dans un monde violent où l’amour, l’amitié et la solidarité la guideront.

J’étais excitée…ou effrayée. Je ne sais pas. Un peu des deux peut-être. Jusqu’à maintenant, ni les gardes, ni les chiens étaient au courant de ma présence en ces lieux interdits. Le souvenir des gardes me fit anxieusement tourner la tête de droite à gauche. Je réalisais alors à quel point j’avais peur.
Un nouvel obstacle me barra la route. Un bassin venait d’être installé en plein milieu du jardin. Il n’était pas là il y a un mois. Auparavant, ce jardin n’était qu’un vulgaire champ de fleurs. Je vis à la lueur des torches quelques poissons tourner en rond. Il s’agissait de carpes, facilement repérable grâce à leur couleur orangée, et surtout par leur imposante taille. Afin d’empêcher les éventuels visiteurs de voler leurs poissons, les propriétaires avaient fait installer autour du bassin une série de gros clous. Bien sûr, fidèle à ma réputation, je cite « de jeune fille de la haute-société bien trop maladroite pour son âge », je réussi à me couper. La douleur était atroce, comme une épuisante décharge électrique courant le long de mon bras. Je suffoquais puis serrais les mâchoires pour ne pas crier. La nuit était calme, le moindre bruit venant d’ici serait audible à plusieurs kilomètres à la ronde. Sachant que je me trouvais à mon de dix mètres des chambres des Dernk…je me retins facilement d’hurler. J’étais malheureusement proche du malaise. Je vacillais. Pendant un moment, je ne pus me résoudre à regarder ma main, puis finalement, je me forçais à baisser les yeux. Il y avait une énorme entaille, et un gros bout de peau qui s’échappait de ma main. Le sang qui coulait abondamment de ma plaie gouttait dans l’eau glacée de l’étang. J’éclatais en sanglots quelques minutes plus tard. Un maudit clou, et une main blessée…c’était trop injuste ! Je finis tout de même pas me ressaisir. L’heure n’était pas à l’apitoiement.
Ce furent des grognements qui, cette fois, me firent oublier totalement la douleur. Deux gardes. Deux chiens. Deux torches. Deux épées…Deux…Je fus prise d’un soudain vertige, puis tombais sur les genoux. J’étais fichue. Ma rapidité était loin de pouvoir m’aider dans ce genre de situation, en particulier quand on ne voyait pas clair…Un garde s’approcha de moi après avoir confié son chien à son collègue. Il éclaira mon visage avec sa torche pour savoir à qui il avait à faire. Qui avait été assez fou pour oser pénétrer dans un lieu aussi dangereux.
-Lady Victoria ? Mais que faites-vous là ? Vous êtes blessée ? Est-ce à cause des clous qui bordent le nouvel étang ?
J’entendais à peine sa voix. La tête me tournait. Je parvins finalement à lui répondre.
-Oui.
Il prit ma main avec inquiétude puis me confia :
-Ces clous sont recouverts chaque jour par un produit qui est loin d’être inefficace contre les voleurs et les pirates. Il vous paralyse pendant plus de deux heures, et en quelques minutes, vous êtes atteinte de fièvre et d’une forte toux. Ce n’est pas mortel, soyez tranquille. Il est plus souvent utilisé par l’armée qui recouvre leur épée de cette puissante substance…
Il banda grossièrement ma main. Il n’était pas médecin, c’est sûr…Mais bizarrement, j’avais presque envie de lui dire merci. Aucun mot ne sortit de ma bouche malgré tout. Je fus prise d’une soudaine toux. Ma vue se troubla encore plus. Le garde me prit dans ses bras et me conduisit vers la sortie. Pendant un moment, j’eus presque peur qu’il me jette dehors. Mais il avait beaucoup d’admiration pour ma famille. En tout cas, c’est ce qu’il affirmait. D’ailleurs…comment savait-il que j’étais un membre de la célèbre famille De Ravel ? Etait-ce à cause de mes cheveux blancs que vantaient chaque jour mes parents auprès de leurs amis ? Ces maudits cheveux…
Je fus reconduite à l’orphelinat dans lequel j’allais travailler le lendemain. Il se trouvait au nord de la ville. A quelques pas de ma maison. Je préférais de loin dormir dans cet orphelinat que dans cette bonne vieille maison de plusieurs hectares. De plus j’étais sûre d’une chose : Alice, ma jeune sœur, se trouvait là-bas. En général, quand elle ne me voyait pas revenir à l’heure, elle se rendait dans l’orphelinat « Saint Ange » et s’y réfugiait. Pourquoi détestais-je tant ma maison ? Peut être parce que chaque jour je croisais des paysans qui vivaient dans la misère et travaillaient jour et nuit pour se nourrir. Peut être parce que des milliers d’orphelins vivent dans des conditions correctes, mais loin d’être favorable à leur développement. Peut être parce que j’ai un trop grand cœur, et qu’un jour, il me perdra. Il sera peut être un jour la cause de mon décès, de mes périples.
La vie est une chose étrange. La vie peut s’envoler à tout moment. Elle ne se contrôle qu’à moitié.

La journée me parut longue, bien qu’elle soit des plus passionnantes. J’allais demander aux fillettes si elles avaient des questions à poser mais le clocher de l’orphelinat retentit. Elles quittèrent la vaste salle avec mon autorisation, après m’avoir salué. Comment ne pas tomber sous le charme de petits êtres aussi innocents ? Leurs parents, soit trop pauvres, soit complètement insensibles, les avaient abandonnés à l’orphelinat dès leur plus jeune âge. Beaucoup n’étaient que des nourrissons lorsqu’ils sont arrivés ici. Les infirmières de cet orphelinat prirent soin d’elles, et les éduquèrent. Peu après, je pris le relai. Je m’occupais des enfants qui avaient entre douze et quinze ans.
Ce fut l’arrivée de ma petite sœur qui me rendit encore plus joyeuse que je ne l’étais déjà. Elle passa le seuil de la porte avec un sourire lumineux aux lèvres. Elle était belle, et ressemblait beaucoup à maman avec ses longs cheveux blancs tressés. Son regard la rendait naïve et attachante. Ses beaux yeux bleus, j’en suis certaine, séduiront plus d’un homme quand elle grandira.
-Comment tu vas grande sœur ?
-Ne m’appelle pas comme ça Alice, lui dis-je. Pourquoi n’utilises-tu jamais mon prénom ?
-Pour te montrer mon affection, répondit-elle sur un ton provocateur.
-Petite peste que j’aime de tout mon cœur…
Je pris Alice dans mes bras. La perdre serait pour moi un drame bien trop difficile à surmonter. Elle me demanda tout à coup de lui parler de papa. Comme je savais qu’elle était passionnée par les pirates elle aussi, je choisis de lui conter l’une de ses aventures, afin qu’elle sache...Afin qu’elle sache que tous les pirates ne sont pas comme Karl Krof.
Karl Krof est un célèbre pirate qui sillonne les mers à la recherche de trésors et d’aventures. Contrairement à beaucoup d’autres, son équipage ne prend pas un malin à détruire tout sur son passage, et à tuer. Ils se contentent de capturer les femmes et hommes riches, afin de demander des rançons. A chaque fois, ils les relâchent vivants, après leur avoir fait un peu peur tout de même. Ça réputation de pirate est en jeu tout de même ! D’après quelques témoins, il serait fort séduisant et très jeune, dans la vingtaine environ. Mais nous n’avons pas plus de détails. Comme Alice l’admire, elle croit que tous les pirates sont comme lui, au grand cœur…Mais elle se trompe. Je commençais alors mon petit récit après avoir pris une grande inspiration.
-Il m’a un jour confié avoir été capturé par un groupe de pirates sur les côtes ouest du pays. Il se trouvait alors sur un bateau de marchands. Quoi de plus banal ? Il fut ligoté au mat du bateau pirate qui les avait attaqués en pleine mer. Un grand nombre des marchands avaient été pendu, décapité, jeté à la mer. C’était monstrueux selon lui. Le capitaine fut fusillé. D’abord aux jambes, puis dans les bras, les épaules et enfin la tête…Ces pirates n’avaient rien d’humain. Ils aimaient faire souffrir les gens. Ils n’ont aucun cœur Alice. Ils sont loin d’être semblable à Karl. Quant à papa…Ils l’ont torturé. Il était en plein soleil, en plein milieu de l’été. Sa peau brulait. Ses plaies s’infectaient. Des hommes s’étaient relayés, cinq jours durant, pour jeter du sel sur ses blessures. Il fut relâché. Maman paya la rançon pour le sauver. Elle l’aimait trop, et ne voulait pas qu’on grandisse sans la présence de papa.
Tu n’étais pas encore née. Je n’avais que cinq ans. Je me souviens encore. Je l’entendais se réveiller en pleine nuit en hurlant. Dans ses cauchemars, il entendait le rire plein de cruauté des pirates. Depuis il les déteste. Il a transmis sa haine à toutes les grandes familles du pays. Maintenant, les pirates sont harcelés par l’armée, beaucoup sont pendus. Karl Krof fait partie des gens recherchés, alors qu’il n’a fait de mal à personne. Il ne fait que voler les riches égoïstes…
-Tu verras, un jour, on l’arrachera aux griffes de papa ! s’exclama joyeusement Alice.
-Aux griffes ? Tu crois qu’il se laissera prendre comme ça ? Personne ne l’attrapera.
-Nous deviendrons des pirates alors ? Pour le rencontrer un jour ! Nous aurons toutes les deux notre propre bateau, notre équipage.
-Ne dis pas ça à papa, sinon, il va te tuer ! lui-dis-je en souriant. Tu n’es pas au courant ? Sur les mers, les femmes portent malheur.
-Et bien nous leur prouverons le contraire…
J’allais exploser de rire quand tout à coup l’orphelinat fut secoué par un objet inconnu. Quelque chose avait percuté le bâtiment. Je fus tout de suite prise de panique. L’orphelinat se trouvait au bord d’une haute falaise.